NOTE D’INTENTION
On écrit beaucoup et partout aujourd’hui sur « l’état du monde ». Philosophes, sociologues, universitaires, historiens, savants, journalistes …et artistes s’inquiètent et tentent de décrypter les rouages de celui-ci. On déplore la perte des valeurs, la crise des utopies. On s’alarme – à juste titre sans doute – de la « catastrophe » annoncée, de l’absurdité des systèmes mis en place par les hommes et qui les conduit à leur perte. On stigmatise les « crises », on cherche à élaborer des pistes de réponses. Ces travaux exemplaires et indispensables à bien des titres sont le fruit d’observation, de recherches, de réflexions, de constructions intellectuelles menées par des femmes et des hommes d’expérience. Mais qu’en est-il du regard porté sur ces questions par la génération des « jeunes adultes », c’est-à-dire des jeunes gens qui sont en passe de devenir autonomes ? Quelle vision ont-ils d’hier, d’aujourd’hui ? Comment appréhendent-t-ils leur présent, leur avenir ? Avec quelles joies et quelles angoisses se préparent-ils à élaborer des projets de vie ? Comment se situent-ils dans ce monde qu’on dit postmoderne ?
« …les anciens savaient qu’ils croyaient ;les
modernes croyaient qu’ils savaient ;et les
postmodernes croient qu’ils ne croient plus à
rien. C’est précisément cette dernière croyance
qu’il faut ruiner (…) . Tout a été déconstruit,
démystifié, démantibulé, discrédité, dépassé,
décomposé, découpé en tranche, digéré, déféqué.
Tout ? Non. »
Guillaume Paoli*
Notre projet se propose de soulever ces questions et d’en faire théâtre.
*extrait de « Eloge de la démotivation ». Guillaume Paoli est philosophe attaché au Théâtre de Leipzig.
LE PROJET
« Soulever ces questions… »
Nous nous proposons de réunir un groupe de jeunes comédiennes et comédiens de 25 ans juste sortis, pour la plupart, des écoles nationales d’art dramatique. Nous souhaitons, en effet, que ceux-ci aient déjà eu l’occasion de se confronter au processus de création théâtrale et puissent ainsi disposer d’expérience et d’outils nourris par trois années d’immersion et de pratique. Riches de ce parcours et de l’énergie de leur début de carrière d’artiste, nous les solliciterons au cours de périodes de chantier de travail avec comme ligne directrice la question du sens.
Nous rassemblerons textes,théâtraux ou non, théoriques ou poétiques, musiques, images, sons, emblématiques des préoccupations,des avis, des envies, des traces, des empreintes, des projets, des rêves, des utopies, de chacun. Nous tenterons d’en extraire la substance et de dégager ainsi, non pas des vérités, mais l’expression de doutes, de questionnements . De ce chaos désiré, faisons le pari que pourront surgir quelques lignes de forces autour de la proposition "Tout cela signifie probablement quelque chose"
« Puisque toutes ces choses nous échappent,
feignons d’en être les organisateurs. »
Jacques Prévert
« Alors, à quoi rime tout ce cirque ? »
Hanokh Levin
« BRIAN : Vous êtes tous des individus !
LA FOULE : Nous sommes tous des individus !
BRIAN : Vous êtes tous différents !
LA FOULE : Oui, nous sommes tous différents !
UNE PETITE VOIX ISOLEE : Pas moi. »
Monty Python
Quelques questions préalables peuvent ainsi être jetées en vrac :
- Quelle place j’occupe aujourd’hui ?
- Quelle place je souhaite occuper ?
- Quelles sont mes racines ? Quelles places occupent-elles ?
- Qu’est-ce qui me détermine ?
- Qu’est-ce que c’est agir ?
- Pourquoi fais-je ce que je fais ?
- Comment je perçois ce qui s’agite autour de moi ? Les gens ? La « société » ? Les systèmes ? La nature ? Le cosmos ? Qu’est-ce que ça me fait ?
- Qu’est-ce qui est insupportable ? Qu’est-ce qui est merveilleux ?
- Quelles sont mes idoles ?
- Qu’est-ce qui est absurde ?
- Qu’est-ce qui est subversif ?
- Où est la barbarie ?
- C’est quoi les autres ?
- POURQUOI QUELQUE CHOSE PLUTÔT QUE RIEN ?
« Il faut vivre… »
Anton Tchékhov
« …et en faire théâtre. »
L’objet de notre chantier n’est bien sûr ni de provoquer une thérapie de groupe, ni de produire une analyse philosophique ou sociologique, encore moins de proposer une conférence didactique sur l’état de la jeunesse. C’est de théâtre qu’il s’agit, donc de définir et de proposer une(des) forme(s) artistique(s), une(des) esthétique(s) au service du propos qui nous occupe.
Il s’agira donc à partir des questions « soulevées » de « creuser », de « disséquer », de « triturer » celles-ci sur le plateau à travers un travail de recherche et d’improvisation. Nous serons attentifs aux mots, à la parole : comment les porter ? Comment les rendre charnels, vivants ? Quels mots ? Quelle parole ? Nous chercherons comment les corps dans leurs confrontations, leurs solitudes, leurs chocs et leurs étreintes rendent compte des doutes rencontrés. Nous provoquerons l’expression des rythmes, des souffles, des éclats de vie qui nous permettront de porter un regard singulier sur le monde dans une tentative d’un langage qui recherche la fusion du sensible et de l’intelligible.
Plus concrètement nous ferons appel aux textes de tous horizons qui nous touchent et qui évoquent nos questions. Nous nous laisserons pénétrer par ceux-ci ; nous les laisserons nous surprendre ; nous en ferons matière. Il ne s’agit pas d’illustrer mais de rendre tangible. Le recours aux langages du corps ( y compris la voix) sera omniprésent. On pourra faire appel si la nécessité s’impose à la création sonore et aux images.*
Nous proposerons donc le regard que des jeunes gens d’aujourd’hui, par ailleurs engagés dans une démarche artistique ( ce qui n’est pas innocent) , portent sur un monde tourmenté et nous ferons poésie de celui-ci.
Petit historique :
Le mise en œuvre de ce projet a été réparti sur deux saisons :
- Saison 2010/2011 : période de résidences de chantiers de travail
- Saison 2011/2012 : création et première diffusion
La première période de recherche en résidence s'est établi ainsi :
- Le Lieu Unique, scène nationale de Nantes pour les « chantiers d’artistes » du 20 septembre 2010 au 9 octobre 2010
- La Fonderie, au Mans, qui nous a accueilli 2 semaines en janvier 2011
- Le Théâtre Universitaire de Nantes dans le cadre de Studiolab du 27/04/11 au 06/05/11
La création du spectacle s'est faite :
- à la Fonderie au Mans entre le 22 août 2011 et le 2 octobre 2011
- à la Fonderie pour 8 représentations, dans la programmation de l’Espal, entre le 3 et le 11 octobre
Le spectacle sera repris en tournée en 2012/2013 notamment au Nouveau Théâtre d’Angers les 22 et 23 mai 2012, au festival du pont du bonhomme de Lanester les 22,23,24 juillet, au TU de Nantes les 16, 17, 18 octobre, et le 15 janvier 2013 à l'ESPAL au Mans. Possibilité de tournée encore ouverte.
(crédits photos : YLM picture)
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